Carte des formations : La marginalisation de l’Enseignement professionnel sous statut scolaire. Article de Christian Sauce et Nasr Lakhsassi.

Le projet de carte des formations des établissements de l’enseignement professionnel de
l’académie de Bordeaux pour l’année 2022 est extrêmement révélateur de la politique
éducative menée dans notre pays.


Plus que de longs discours, le projet de carte des formations des établissements de
l’enseignement professionnel de l’académie de Bordeaux pour l’année 2022 est
extrêmement révélateur de la politique éducative menée dans notre pays. Présenté au
Comité Technique Académique du 13 octobre 2021, il comporte 12 ouvertures de sections,
dont 10 dans les métiers des services, pour 9 fermetures, dont 3 dans le bâtiment et 5
dans le secteur industriel !!!


A l’heure où l’état mobilise 35 milliards d’€ dans l’industrie et 10 milliards pour soutenir
l’activité du BTP dans le cadre du plan France Relance, force est de constater que l’état et
la Région Aquitaine ne comptent absolument pas sur l’enseignement professionnel public
sous statut scolaire pour relancer l’économie de la Région ! Dans une académie qui
regroupe près d’une centaine de lycées professionnels et 5 établissements
d’enseignement adapté (EREA), ces propositions insignifiantes sont un coup de poignard
porté à ces établissements. C’est un abandon pur et simple au seul profit des formations
patronales par l’apprentissage !


Excusez du peu : en 2020, au niveau cette foisci de la Nouvelle Aquitaine, la Région a
subventionné 387 projets de soutien de l’offre de formations par apprentissage dont plus
des trois quarts sont des CAP et des Bacs Professionnels, c’estàdire les formations types
de nos LP et EREA ! Par ailleurs, 327 sites ont reçu un label « qualité » régional, créé en
2020, pour soutenir les CFA qui s’engagent dans des pratiques innovantes. Cet
investissement très important est d’autant plus surprenant que l’apprentissage n’est plus
une compétence…régionale ! Alors que les LP et EREA le sont !!!


Mais si la Région se détourne de plus en plus des établissements d’enseignement
professionnel, l’état n’est pas en reste. Parmi les arguments de la Région et du Rectorat
pour fermer le CAP serrurier au LP Léonard de Vinci de Blanquefort, il est écrit : « Ce CAP
existe au CFA voisin. » ! Il est bien loin le temps ou rectorat et Région s’opposaient aux
ouvertures de sections dans les CFA avoisinants, concurrentielles à celles des LP. Mais
depuis 2018 et la loi Pénicaud « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel », ce
sont les branches professionnelles qui ont les clés du « marché » de la formation et
l’enseignement professionnel se retrouve complètement marginalisé voire abandonné à
son triste sort.


Cette situation est insupportable. Tout est fait pour détourner nos jeunes de
l’enseignement professionnel d’autant plus que cette inflation de sections par
apprentissage ne garantit en rien la qualité de la formation professionnelle délivrée, ni
même de répondre aux besoins de l’économie régionale sur le moyen et long terme. Seule
compte désormais l’employabilité immédiate ! Aux oubliettes la formation de l’Homme du
travailleur et du citoyen pour des élèves avec l’enseignement professionnel sous statut
scolaire. Notre pays a bien enclenché la marche arrière !